Le décalage horaire constitutionnel et l'abstention


Date: 29 août 2002 à 00:45:09 CEST
Sujet: Informations Pratiques


Des députés de la Guadeloupe (Mme Gabrielle Louis Carabin et M. Joël Beaugendre) demandent une modification des modalités électorales aux Antilles-Guyane. En effet avec le décalage horaire, les Antillais assistent à l'annonce anticipée des résultats des élections nationales basés sur des estimations, sur des dépouillement partiels, vers 14h alors que les bureaux de vote ferment vers 18 heures et qu'il leur reste donc plusieurs heures pour s'exprimer.


La proposition de loi déposée le 1er Août 2002 par les députés UMP guadeloupéens qualifie cette organisation du vote de "véritable incitation à l'abstention" , que cette situation conduit à "faire de l'électorat de ces trois départements des citoyens de seconde zone". Ils proposent que pour les élections législatives, les antillo-Guyanais votent le samedi, donc la veille par rapport à la France.

On y apprend surtout que cette proposition n'est pas valable pour l'élection présidentielle, plus difficile à réformer. En effet, dans l'article 7 de la Constitution, il est inscrit dans le marbre que le second tour de scrutin a lieu le dimanche pour l'élection du Président de la République.
C'est bien essayé quand même de proposer cette loi applicable pour au moins l'élection législative. Au moins, si elle passe, on sera certain de ne pas apprendre par les médias ou par un coup de fil, qui sont nos nouveaux députés avant d'avoir fini de voter (ou de s'abstenir).

Mise à jour 2004
Au delà du caractère anecdotique de cette tentative des élus guadeloupéens et du ton plaisantin de l'observation, il convient d'attirer l'attention sur le problème de fond soulevé ici, l'abstention et ses motifs, et en discuter :
  • les électeurs de la zone Martinique, Guadeloupe, Guyane, reçoivent en pleine face les résultats des élections présidentielles françaises diffusés en direct par des médias nationaux, alors qu'ils n'ont pas fini de voter. Ceci peut être caractérisé par tout individu qui se respecte comme une marque de mépris.
  • Certains malhonnêtes disaient qu'il s'agissait d'estimations et que par conséquent ce n'était "pas grave", que le vote de ces électeurs serait tout de même comptabilisé et que ces estimations prenaient en compte ce vote, qui finalement, vu le nombre d'électeurs, ne changerait pas grand chose au résultat. Or il existait une loi, abrogée en 2001 interdisant la publication, diffusion ou commentaire de sondages dans la semaine précédant une élection, pour la sérenité de l'électorat. Loi controversée, mais loi tout de même et si loi il y avait , la loi aurait dû s'appliquer pour tous y compris aux Antilles-Guyane.
  • Vu l'article 7 de la Constitution révisé par la Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, on ne pouvait pas organiser le vote la veille (le samedi) à moins de modifier la Constitution. Or cela ne peut se faire que par référendum ou après l'accord du parlement (assemblée nationale et sénat) réuni en Congrès. En clair, il faut que ce soit une initiative du Président de la République (référendum) ou du gouvernement (congrès). Un simple député ou sénateur ne pourrait donc pas l'obtenir par le biais d'un simple projet de loi.
  • La constitution initiale de la Vème République date de 1958, elle a été proposée par le Général de Gaulle par référendum et approuvée par les électeurs des DOM-TOM sauf la Guinée. Elle a été révisée de nombreuses fois , notamment par cette loi du 6 Novembre 1962, mais une telle révision de la Constitution n'avait j'amais été mise en oeuvre. La dernière révision constitutionnelle portait sur "l'organisation décentralisée de la République" (28 Mars 2003) : il semble, miracle, que l'article 7 ait entre autres été modifié , concernant le jour du 2ème tour !
    Article 12
    I. - Au premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les mots : « le deuxième dimanche suivant » sont remplacés par les mots : « le quatorzième jour suivant ».

    Le jour du 1er tour n'est pas fixé donc ça peut être un samedi aux Antilles et un dimanche en France, le 2è tour aurait donc lieu 14 jours après, soit le 2ème samedi suivant aux Antilles et le 2ème dimanche suivant en France. Avant cette modification, le 2ème tour avait lieu partout forcément le 2ème dimanche suivant.

    Conclusion : non seulement la République Française fait peu de cas des électeurs de la zone Caraïbe, mais en plus ceux-ci continuent à voter à chaque élection présidentielle. Aujourd'hui l'obstacle juridique pour voter la veille semble être levé, est-ce que cela signifie pour autant la fin de l'indifférence ? Nous le saurons à la prochaine élection présidentielle prévue en 2007.

    En général, les électeurs sont convaincus que le vote est un devoir et s'étonnent de l'abstention, quand ils ne critiquent pas le manque de sérieux ou de civisme des absentionnistes ou des nationalistes qui dénoncent cette supercherie.
    Voter aux élections nationales revient pour un électeur de la Martinique, Guadeloupe, Guyane à clamer haut et fort : "je suis un citoyen inférieur et j'aime ça !!"

    Faire ainsi la preuve de son infériorité c'est, me semble-t-il, tout sauf le devoir d'un être humain.





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