
Une loi de programmation pour l'outre-mer en préparation
Date: 28 juillet 2002 à 13:07:39 CEST Sujet: Informations Générales
Dans une interview accordée lors de sa visite à la Réunion, Brigitte Girardin confirme la prorogation d’un an pour les CEC (contrat emploi consolidé) , souligne son souhait de “faciliter le reclassement des actuels emplois-jeunes dans les entreprises”. Elle promet également de “trouver rapidement une solution pour les exclus de la CMU”(mutuelle). Elle annonce par ailleurs “la mise en place, dès la rentrée prochaine, du passeport-mobilité avec transport aérien gratuit pour chaque jeune concerné”. Concernant l’octroi de mer, “je souhaite avec les présidents des régions présenter un dossier solide à la Commission européenne d’ici avril 2003 afin d’obtenir la prorogation du régime pour l’Outre-mer”.
source : clicanoo.com
ARTICLE DU 25/07/2002
Emplois-jeunes, CMU, mobilité, octroi de mer, continuité territoriale...
Interview : Les réponses du ministre Brigitte Girardin aux besoins de la Réunion.
Durant toute la campagne électorale lors de la présidentielle et des législatives, on a entendu, à droite, deux principaux slogans : “égalité économique” et “loi-programme pour l’outre-mer”. Pourriez-vous nous donner une définition du concept “égalité économique” ?
L’égalité économique, ce n’est pas un slogan, c’est une exigence absolue, celle de donner à chacun de nos compatriotes d’outre-mer, l’accès à la pleine citoyenneté par la dignité et le travail. Après l’égalité sociale, réalisée en 1995, il faut parvenir à cette égalité des chances grâce à un modèle de développement valorisant les atouts de l’outre-mer, en particulier sa jeunesse, et réduisant ses handicaps, liés notamment à l’éloignement et à l’insularité. C’est en faisant baisser outre-mer le coût du travail et celui du capital, qui sont beaucoup plus élevés qu’en métropole, que nous relancerons la création d’emplois durables dans les entreprises, que nous redynamiserons l’investissement et que nous parviendrons à cette égalité économique avec la métropole. C’est l’objectif de la loi de programme sur quinze ans que je prépare en ce moment.
Avez-vous déjà une idée du contenu de la Loi-programme pour l’outre-mer ? En quoi sera-t-elle différente de la loi d’orientation pour l’outre-mer (LOOM) dont le “volet économique” avait reçu un accueil favorable de la part de la droite locale ?
Si la Loi d’orientation a reçu l’accueil favorable que vous mentionnez, c’est surtout parce qu’elle mettait fin à trois années d’incertitude et d’interrogations des milieux économiques, qui s’inquiétaient d’une éventuelle remise en cause par le gouvernement socialiste du dispositif de la loi Perben, dont l’efficacité, en matière de création d’emplois dans les entreprises, a été unanimement saluée.
La loi-programme n’a pas pour seul objectif la consolidation de la loi Perben. Elle contiendra des dispositifs de plus grande ampleur pour stimuler la création d’emplois dans le secteur productif et comportera aussi un nouveau dispositif de défiscalisation pour relancer fortement l’investissement. Sa durée, quinze ans, permettra en outre de restaurer un climat de confiance indispensable au développement économique et social. Je crois enfin qu’à la différence de la Loi d’orientation, la loi-programme est fondée sur une logique d’activité et non pas d’assistanat qui est un système humiliant aboutissant à la régression sociale, et privant de perspective notre jeunesse ultramarine trop souvent cantonnée dans des emplois précaires n’offrant pas de véritables débouchés.
Il est beaucoup question actuellement du “contrat-jeunes”, présenté comme une mesure phare du Gouvernement Raffarin. Dans les Dom, ces contrats-jeunes vont-ils remettre en cause les contrats aidés (CES, CEC, CEJ) ?
Je vous rappelle que le chômage des jeunes a augmenté de plus de 15% en France en un an et qu’à La Réunion, le taux de chômage des jeunes sans diplôme atteint aujourd'hui 33%.
Le dispositif emplois-jeunes n'a pas constitué une réponse appropriée à cette situation inacceptable pour la société qui doit répondre aux attentes de sa jeunesse. C'est pourquoi le gouvernement a décidé des mesures d'urgence de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. Ces mesures sont entrées en vigueur dès le 1er juillet pour l’ensemble du territoire national. L'objectif de ce “contrat-jeune” est de faciliter le recrutement de près de 300 000 jeunes sans qualification dans les entreprises, en leur offrant une formation et un vrai emploi. J’espère que cette mesure nationale qui s’ajoutera à toutes celles, spécifiques pour l’outre-mer, qui figureront dans la loi-programme, permettra de faire reculer l’exclusion et la précarité.
Votre ministère a en charge le Fedom qui finance notamment les contrats aidés. La Réunion reste loin devant les DOM et la métropole, une grande consommatrice de CEC (2 300 contrats emplois consolidés). Envisagez-vous des solutions pour permettre aux communes d’intégrer ces CEC ?
Le dispositif de contrats d'emploi-consolidé (CEC) représente effectivement une mesure fortement utilisée à La Réunion. Elle permet une insertion durable puisque ce contrat peut être renouvelé sur une durée globale de cinq ans. Toutefois, la sortie des bénéficiaires au terme de ces cinq années qui, il faut le souligner, n’a pas été sérieusement préparée par le gouvernement précédent, pose certaines difficultés. Nous avons donc décidé de prolonger ces contrats d’une année supplémentaire, cette prorogation étant accompagnée de la mise en place de cellules de reclassement dans les communes pour permettre des solutions d'insertion professionnelle satisfaisantes. Je m'attacherai à faciliter leur mise en place.
Dans le même registre, quel avenir pour les emplois-jeunes, qui sont plusieurs milliers à La Réunion ?
Le dispositif emplois-jeunes a effectivement connu un développement important à La Réunion. 5 805 postes d'emplois-jeunes ont été créés et 5 254 postes sont actuellement pourvus. Toutefois, ce mouvement s'est ralenti compte tenu de la réflexion menée sur la professionnalisation et la pérennisation des services ainsi créés.
Mon objectif, c’est de faciliter avec les dispositifs de la loi-programme, le reclassement de ces jeunes dans les entreprises. En attendant, nous devons gérer au mieux une période transitoire pour que ces jeunes ne soient pas laissés au bord du chemin.
Quel avenir également pour les 11 000 journaliers communaux qui attendent leur titularisation ?
Permettez-moi de remarquer qu’il s’agit là encore d’un dossier qui, en cinq ans, n’a guère évolué. Le processus d’intégration prévu par l’accord de juillet 1998 doit, bien sûr, se poursuivre. Mais je veillerai à ce que l’Etat recherche activement, avec les élus et les organisations représentatives du personnel, des solutions négociées, en prenant en compte deux contraintes incontournables : juridique, au regard du respect du statut de la fonction publique, financière, au regard des déficits budgétaires des communes.
Le Gouvernement de M. Raffarin a promis de déposer devant le Parlement, avant fin 2002, le projet de loi programme pour l’outre-mer sur quinze ans. Une telle loi, inscrite dans la durée, prendra-t-elle en compte, par exemple, la question presque tabou de l’harmonisation des revenus ?
Ce n’est pas une loi qui réglera cette question. Ce ne peut être que le résultat d’une large concertation approfondie entre tous les partenaires concernés, permettant d’aboutir à la mise en place d’un dispositif consensuel.
La droite a beaucoup insisté durant les deux précédentes campagnes électorales sur les “exclus” de la CMU, à savoir les personnes du 3e âge et les handicapés, soit près de 20 000 personnes concernées à La Réunion, obligés de payer une mutuelle. On dit que votre ministère s’est beaucoup penché sur la question. Avez-vous trouvé une solution ?
L'instauration d'un plafond de ressources pour bénéficier du volet complémentaire de la CMU a eu pour conséquence l'exclusion, pour dépassement de ce plafond, de plusieurs milliers de personnes, parmi lesquelles, notamment, les bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse, particulièrement nombreux à La Réunion. On y compte en effet 33 528 bénéficiaires, soit 55% des retraités de l'île.
Cet effet de seuil a été lissé au plan national par l'instauration d'un dispositif d'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire maladie pour les assurés du régime général. Une adaptation spécifique de ce dispositif s'impose à La Réunion, afin de permettre l'accès à une couverture complémentaire.
J’ai saisi le ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapés de cette question dès ma prise de fonctions. A notre demande, la Cnam examine actuellement les conditions dans lesquelles le renforcement de la dotation d'action sociale de la CGSS pourrait être engagé afin d’apporter une réponse. Nous allons trouver une solution pour que les personnes concernées ne subissent pas cette injustice intolérable.
La mobilité sera au centre de votre visite dans notre île. Le “passeport mobilité” annoncé par Jacques Chirac sera-t-il mis en œuvre ? Avez-vous pensé à des réformes afin de dynamiser les organismes chargés de la mobilité ?
L’engagement pris pendant la campagne des présidentielles par le président Jacques Chirac sera tenu : le “passeport mobilité” sera mis en place dès la rentrée prochaine.
Le principe sur lequel repose cette mesure est simple : chaque jeune concerné, engagé dans un parcours universitaire, dans un programme de formation ou un parcours qualifiant d'insertion professionnelle, bénéficiera de la gratuité du transport aérien pour se rendre en métropole, ou dans une autre collectivité d’outre-mer. J’aurai l’occasion au cours de ma visite à La Réunion d’exposer en détail ce dispositif.
Par la mise en œuvre de cette mesure, destinée à favoriser la mobilité des jeunes d'Outre-mer, l'Etat n'entend pas se substituer aux collectivités locales ni aux acteurs traditionnels de la mobilité que sont notamment l’ANT et le Cnarm.
Il veut être un partenaire engagé à leurs côtés. Par ailleurs, j'entends engager, comme je l'ai déjà dit, une restructuration de l'opérateur public de la mobilité qu'est l'ANT.
Où en est le Gouvernement sur le dossier de la continuité territoriale ?
Le “passeport mobilité” est une première mesure de continuité territoriale qui sera mise en place prochainement en faveur des jeunes. J’ai par ailleurs l’intention de présenter, dans le cadre de la loi-programme, des mesures visant à abaisser le coût de la desserte aérienne et maritime de l’outre-mer.
Un des premiers moyens d’assurer cette continuité territoriale est de faire en sorte que l’outre-mer soit correctement desservi par les compagnies aériennes, en termes de fréquences et de coûts. A cet égard, je l’ai dit, cela passe notamment par le pluralisme de l’offre de transport aérien et non par le monopole de fait d’une compagnie.
Le fait que la politique des transports ait été implicitement citée dans les conclusions du Conseil européen de Séville, grâce à la particulière insistance du président de la République, est une première étape dans l’objectif de faire de la continuité territoriale une notion non pas seulement nationale, mais véritablement européenne.
Je souhaite parvenir à un cofinancement européen d’un dispositif d’abaissement du coût des transports aériens et maritimes pour les passagers comme pour le fret. Les liaisons avec les régions ultra-périphériques pourraient obtenir de surcroît de faire partie intégrante des réseaux trans-européens de transport, “clé de voûte du marché intérieur européen”, évoqués au Conseil européen de Barcelone en mars dernier.
Vous avez obtenu de Bruxelles un délai supplémentaire d’une année pour l’octroi de mer. Quelle sera la suite de votre action en ce domaine ?
L’octroi de mer n’est pas remis en cause, il a même été reconnu par la réglementation communautaire. C’est sur le système d’exonération de cette taxe que la Commission souhaite avoir des explications et des justifications. J’ai obtenu la reconduction du système actuel jusqu’au 31 décembre 2003. Mais nous devons préparer d’ores et déjà, et activement, l’échéance du 1er janvier 2004. J’ai fait part au commissaire Fritz Bolkestein, lors de notre récente rencontre, de notre souci d’obtenir un système d’exonération ne s’écartant pas trop du système actuel, respectant la libre administration de nos régions qui constitue un principe constitutionnel français et palliant les nombreux handicaps auxquels doivent faire face les productions dans nos Dom. Nous ne pouvons cependant espérer maintenir un régime de l’octroi de mer favorable, si nous nous contentons d’attendre le 31 décembre 2003, sans faire de propositions concrètes à la Commission. Nous devons donc nous mettre au travail dès maintenant pour justifier le différentiel de taxe entre les produits importés et ceux produits localement, bénéficiant d’exonérations partielles ou totales.
C’est la raison pour laquelle j'ai proposé aux quatre présidents de régions la création d’un groupe de travail restreint pour établir dans chaque région et dans chaque secteur économique sensible, le niveau d’exonération justifiable. Parallèlement, je demande avec le ministre de l’Économie et des Finances, à l’IGA et à l’IGF, de mener une mission conjointe qui devra proposer d’une part des éléments d’analyse économique sur l’impact des exonérations sur le développement et l’emploi des secteurs concernés, et, d’autre part une évolution du dispositif de nature à prévenir les difficultés qui pourraient apparaître dans le cadre de la négociation communautaire.
Je souhaite que nous puissions faire aboutir ces travaux à la fin de l’année et présenter à la Commission en mars-avril 2003 un dossier solide et argumenté nous permettant d’obtenir la prorogation du régime de l’octroi de mer dans les meilleurs conditions pour nos départements d’outre-mer. Je réunirai prochainement à Paris les quatre présidents de régions pour mettre au point ensemble notre stratégie sur ce dossier essentiel pour l’outre-mer.
Suite de la visite et poursuite de la conférence des communautés des communes des DOMs
Visite du Parc technologique
Sur invitation de la Cinor, les participants à la conférence des présidents et vice-présidents des communautés de communes et d’agglomération des DOM ont visité, hier matin, le Parc technologique de la Réunion, avant de découvrir les projets concernant la commune de Sainte-Suzanne.
Jeudi, Brigitte Girardin, ministre de l’Outre-mer, participera à la clôture de la conférence des présidents et vice-présidents des communautés de communes et d’agglomération des DOM. En attendant, les représentants de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane qui, depuis lundi, ont rallié la Réunion, étaient invités hier matin à une visite du Parc technologique. Guidés par René-Paul Victoria, député-maire de Saint-Denis, et Maurice Gironcel, le maire de Sainte-Suzanne, ils ont pu apprécier le développement de la technopole de la Cinor (Communauté intercommunale du nord de la Réunion), considérée par nos élus comme un outil majeur qui “devrait permettre l’expression de nos talents”.
Des projets pour Sainte-Suzanne
Une visite qui n’aura pas manqué d’impressionner Michel Thalmency, le président de la conférence ainsi que de la communauté de communes du nord de la Martinique : “L’avancée du Parc technologique de la Réunion nous montre qu’il y a un retard important à combler en Martinique.” Dit autrement, notre département peut, non sans fierté, faire figure d’exemple pour les autres DOM dans le domaine des sciences et des technologies. Autre étape importante proposée hier aux participants de la conférence : la présentation des projets de la Cinor concernant Sainte-Suzanne. Le maire de la commune a ainsi détaillé les différentes initiatives qui lui tiennent à cœur. A commencer par la poursuite de l’aménagement de la zone du Bocage, entamée en 1998. L’opération, qui s’étend sur 10 ans, prévoit entre autres la création de logements, d’une maison des climats et d’un abri côtier. Autre projet d’importance : la mise en place, à compter de 2003, d’une zone d’activités intercommunale du côté du Quartier français. Enfin, parce que la culture fait également partie des priorités de la Cinor, Maurice Gironcel a annoncé la création d’une médiathèque intercommunale dans sa commune, à l’image de celles de Sainte-Marie et Saint-Denis. Un équipement de 1 800 m2, qui devrait trouver sa place au sein de la Zac dite “Entrée de ville”.
Propos recueillis par Yves Mont-Rouge / B.D.
|
|